Chelsea Manning : La lanceuse d'alerte qui a fait trembler l'Amérique
-
Vous savez ce qui différencie un vrai hacker d’un script kiddie ? Le premier change le cours de l’Histoire mondiale depuis une base militaire perdue en Irak avec Lady Gaga en fond sonore et l’autre, bah il fait pas grand chose.
Chelsea Manning, c’est ça, une gamine trans de Crescent, Oklahoma (pas Oklahoma City comme on pourrait croire), qui a fait trembler le Pentagone avec 750 000 documents qu’elle a planqués dans des CD marqués ‘Lady Gaga’.
Mais l’histoire de Chelsea Manning, c’est pas juste celle d’une lançeuse d’alerte de légende qui a balancé la plus grosse fuite de l’histoire militaire américaine. C’est celle d’une gamine perdue qui a grandi dans l’enfer de l’Oklahoma rural, qui s’est réfugiée dans l’informatique pour échapper à ses démons, et qui a fini par révéler au monde entier les crimes de guerre de son propre pays. Une histoire de courage, de trahison, de transition de genre dans l’enfer carcéral, et de combat pour les libertés numériques qui continue aujourd’hui en 2025.
Accrochez-vous, parce que cette histoire, elle est dingue du début à la fin. Entre les parents alcooliques, les tentatives de suicide de sa mère, l’armée qui l’ignore, et un certain Adrian Lamo qui va la trahir… Y’a de quoi faire une série Netflix en 10 saisons !
– Chelsea Manning le 18 mai 2017, lendemain de sa libération après 7 ans de prison17 décembre 1987, Crescent, Oklahoma, naît Bradley Edward Manning, future Chelsea Manning et déjà à la naissance, c’est compliqué. Son père Brian, ancien analyste du renseignement naval (pas juste “dans les Marines” car le mec avait une habilitation secret défense !), a rencontré sa mère Susan au pays de Galles quand il était stationné à la base RAF Brawdy. Retour aux States en 1979, installation en Californie, puis déménagement près de Crescent. Une baraque avec 5 acres de terrain, des porcs et des poules. L’American Dream version cauchemar.
Parce que la réalité, c’est que les parents de Chelsea sont alcooliques. Sa sœur Casey témoignera plus tard devant la cour martiale que leur mère était constamment bourrée pendant sa deuxième grossesse. Un psychiatre de la marine, le capitaine David Moulton, dira même que les traits du visage de Bradley présentaient des signes du syndrome d’alcoolisation fœtale. Sympa, l’ambiance familiale !
Le père, chef de projet en informatique pour Hertz (la boîte de location de voitures), est tout le temps en déplacement. La maison se trouve à plusieurs kilomètres de la ville et la mère est incapable de conduire. Du coup, elle passe ses journées à picoler pendant que sa gosse se débrouille toute seule. Brian laisse de la bouffe avant ses voyages et des chèques pré-signés pour payer les factures. L’enfant Bradley, elle, se réfuge dans les Legos et l’ordinateur familial, un Commodore 64 puis un Apple IIe.
C’est à cette époque que les premiers signes d’identité de genre apparaissent. “J’adorais être dans la chambre de ma sœur. Je l’admirais tellement. Je mettais ses vêtements, jouais avec ses poupées et avec son maquillage”, raconte Chelsea dans son livre “README.txt” (lien affilié) publié en octobre 2022. Elle se souvient de ça à 5 ou 6 ans et dans l’Oklahoma rural des années 90, vous imaginez bien que c’est pas exactement le genre de comportement qui passe inaperçu.
À 13 ans, Manning commence à s’interroger sur son orientation sexuelle. Un ami d’enfance raconte qu’elle lui a dit “je suis gay”. Mais c’est plus compliqué que ça. Chelsea ne comprend pas encore, à l’époque, qu’elle est trans. Elle sait juste qu’elle se sent différente, qu’elle ne correspond pas aux attentes masculines de son environnement. C’est le début d’un long chemin vers la découverte de soi.
La situation familiale continue de se dégrader. Les parents divorcent en 1998, Susan et Bradley déménagent dans un appartement loué à Crescent et l’instabilité de Susan empire. En novembre 1998, elle tente de se suicider avec une overdose de Tylenol. Sa fille Casey, l’aînée, conduit leur mère à l’hôpital avec Bradley, 11 ans, assise à l’arrière de la voiture en train de vérifier que sa mère respire encore. Imaginez une gamine de 11 ans qui doit s’assurer que sa mère alcoolique et suicidaire ne meurt pas sur le trajet vers l’hôpital. Ça forge un caractère, mais ça laisse aussi des cicatrices profondes.
Le père se remarie en 2000 avec une autre Susan (quelle originalité !), qui a un fils d’une relation précédente. Quand ce fils change son nom pour Manning, Chelsea se sent complètement rejetée. Elle dit à sa mère : “Je ne suis plus personne maintenant, Maman”. Une phrase qui résume tout l’abandon qu’elle ressent. La famille, c’est pas la joie chez les Manning.
En novembre 2001, à 13 ans, Bradley et sa mère quittent les États-Unis pour Haverfordwest, au pays de Galles, où Susan a de la famille. Ce déménagement, c’est à la fois une fuite et une opportunité. Fuite de l’enfer familial américain, opportunité de se reconstruire ailleurs. Mais bon, avec une mère alcoolique, c’est pas gagné.
Au pays de Galles, Manning découvre une nouvelle façon de vivre sa différence et peut explorer plus librement son identité de genre, loin du carcan social de l’Oklahoma rural. Elle fréquente la Tasker Milward School où elle excelle en informatique et en sciences, mais surtout, elle plonge à fond dans l’informatique et commence à s’intéresser aux questions de transparence et de libertés civiles.
C’est là qu’elle découvre vraiment Internet, les forums, les communautés en ligne. Elle apprend Python, Perl, comprend les systèmes Unix, navigue dans les réseaux. L’informatique devient plus qu’un refuge, c’est son moyen d’expression, sa façon de comprendre le monde et d’interagir avec lui. Elle passe des nuits entières sur IRC, découvre la culture hacker, lit des tonnes de documentations techniques… Et pendant ce temps, la situation avec sa mère ne s’améliore pas. Susan continue de boire, devient de plus en plus instable. Les voisins au pays de Galles se souviennent d’une femme “difficile” qui passait ses journées au pub du coin. En 2005, à 17 ans, Chelsea décide alors de retourner aux States pour vivre avec son père et sa belle-mère à Oklahoma City.
Le retour aux States est un choc car son père et sa belle-mère sont devenus témoins de Jéhovah, une secte particulièrement rigide sur les questions de genre et de sexualité et pour une ado trans qui commence à comprendre son identité, c’est l’enfer. Les tensions montent rapidement et son père découvre qu’elle explore son identité féminine en ligne (elle participait à des forums sous des pseudos féminins) et là, ça explose !
En mars 2006, à 18 ans, Chelsea est virée de la maison familiale après une violente dispute. Son père l’attrape, la soulève du sol et la jette dehors. Elle se retrouve à la rue, sans ressources, avec juste ses compétences informatiques pour survivre. Elle vit dans sa voiture, une Nissan blanche déglinguée, fait quelques petits boulots chez Zoto (une startup de partage de photos) et chez Incredible Pizza, mais c’est dur. Très dur.
2007, Chelsea Manning galère pour survivre. Pas d’argent, pas de perspectives, et surtout pas de reconnaissance de son identité de genre dans l’Amérique de Bush. Son père la pousse à s’engager dans l’armée, lui disant que ça va “faire d’elle un homme”. Elle prend alors une décision qui va changer le cours de sa vie : s’engager dans l’armée américaine.
Pourquoi l’armée ? Et bien parce qu’elle a besoin de stabilité financière, d’une formation, et surtout d’un objectif de vie. Et aussi parce qu’elle espère que la discipline militaire l’aidera à “se normaliser”, à refouler ses questionnements sur son identité de genre. Beaucoup de personnes trans de cette génération ont fait le même calcul désespéré. Spoiler : ça marche jamais.
Elle signe son contrat d’engagement le 2 septembre 2007. Direction Fort Leonard Wood dans le Missouri pour l’entraînement de base. Là, c’est la catastrophe. Du haut de ses 1m57 et 47 kilos, elle est la plus petite de sa section. Les sergents instructeurs la surnomment “Mighty Mouse” et elle se fait harceler, brutaliser, mais elle tient bon.
Après Fort Leonard Wood, direction Fort Huachuca en Arizona pour la formation d’analyste du renseignement militaire (MOS 35F). Et là, surprise ! Elle excelle ! Manning a un don pour l’analyse de données. Elle comprend instinctivement comment organiser l’information, comment détecter les patterns, comment extraire du sens de masses de données brutes. Ses instructeurs remarquent ses capacités exceptionnelles et elle finit dans les premiers de sa promotion avec une habilitation Top Secret/SCI.
Mais elle reste fragile psychologiquement. Ses questionnements sur son identité de genre n’ont pas disparu, au contraire et l’environnement hyper-masculin de l’armée américaine les exacerbe. Elle fait une tentative de suicide pendant sa formation en postant un message inquiétant sur YouTube. Premier signal d’alarme que ses supérieurs choisissent d’ignorer. L’armée préfère fermer les yeux que de perdre une analyste brillante.
Après Fort Huachuca, direction Fort Drum dans l’État de New York en août 2008. Elle rejoint la 2nd Brigade Combat Team, 10th Mountain Division. Nouvelle formation au Joint Readiness Training Center de Fort Polk en Louisiane. Et puis, en octobre 2009, le déploiement qui va tout changer : Forward Operating Base Hammer, à 40 kilomètres à l’est de Bagdad en Irak.
Manning arrive dans cette base militaire américaine perdue dans la périphérie de Bagdad avec le grade de Private First Class (E-3) et une habilitation Top Secret/SCI et son job c’est analyste du renseignement militaire avec accès aux systèmes les plus sensibles de l’armée américaine.
Concrètement, elle a accès à SIPRNet (Secret Internet Protocol Router Network) et JWICS (Joint Worldwide Intelligence Communications System). Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est l’équivalent des réseaux les plus classifiés du Pentagone. Tout ce qui passe par là, c’est du secret défense, du confidentiel, du “si ça sort on est dans la merde jusqu’au cou”.
Sa mission officielle est donc de maintenir et analyser la base de données des incidents militaires, ce qu’ils appellent les SIGACTS (Significant Activities). En gros, tous les rapports d’engagement, les patrouilles, les attaques, les accidents, les morts civiles…etc. Tout ce qui se passe sur le terrain et qui remonte la hiérarchie militaire. Elle travaille dans le SCIF (Sensitive Compartmented Information Facility), une salle blindée et sécurisée où elle finit par découvrir rapidement que sa mission officielle n’est qu’une petite partie de ce à quoi elle a accès.
Depuis son poste de travail dans la petite salle de renseignement de FOB Hammer, elle peut consulter des centaines de milliers de documents classifiés : Des rapports militaires détaillés sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan, mais aussi des câbles diplomatiques du monde entier via le Net-Centric Diplomacy database, des évaluations de prisonniers de Guantánamo, des vidéos d’engagements militaires…etc
Et c’est là que l’histoire bascule.
Parce que Chelsea Manning ne se contente pas de faire son boulot. Elle lit. Elle analyse. Elle comprend. Et ce qu’elle découvre dans ces documents, ça la révulse profondément. Elle découvre des crimes de guerre systématiques, des mensonges diplomatiques, des bavures militaires étouffées, des tortures documentées. Elle découvre que les chiffres officiels de morts civiles sont largement sous-estimés (66 081 morts civiles documentées rien qu’en Irak). Elle découvre que les diplomates américains espionnent l’ONU, que des entreprises privées font du business sur la guerre, que des prisonniers innocents croupissent à Guantánamo…
Le document qui la marque le plus, c’est une vidéo. La vidéo d’une attaque d’hélicoptère Apache du 12 juillet 2007 à Bagdad dont je vous épargnerai les images, et qui va devenir la vidéo “Collateral Murder”, le document le plus célèbre des fuites WikiLeaks.
12 juillet 2007, Al-Amin al-Thaniyah, Nouvelle Bagdad. Deux hélicoptères Apache américains (indicatifs d’appel Crazyhorse 1-8 et Crazyhorse 1-9) attaquent un groupe de personnes dans une rue. Parmi les cibles : Namir Noor-Eldeen, 22 ans, photographe de Reuters, et Saeed Chmagh, 40 ans, son chauffeur et assistant. Les pilotes les prennent pour des insurgés armés. Ils se trompent lourdement…
L’attaque tue entre 12 et 18 personnes, toutes civiles mais ce n’est pas ça le plus choquant dans la vidéo que découvre Manning. C’est l’audio des pilotes. Ces mecs rigolent pendant qu’ils butent des civils. Ils commentent leurs tirs comme s’ils jouaient à Call of Duty. “Oh yeah, look at those dead bastards”, “Nice”, “Good shoot”. Et quand une camionnette arrive pour secourir les blessés et qu’ils découvrent qu’ils ont touché deux enfants (Sajad Mutashar, 10 ans, et sa sœur Doaha, 5 ans) : “Well, it’s their fault for bringing their kids to a battle”. Les enfants survivront mais avec de graves blessures.
J’ai vu cette vidéo des dizaines de fois depuis sa publication en 2010 et à chaque fois, ça me fout un malaise profond. Pas juste à cause de la violence des images, mais à cause de cette déshumanisation totale. Ces pilotes ne voient pas des êtres humains dans leur viseur mais voient des pixels sur un écran, des cibles dans un jeu vidéo. C’est ça, la réalité de la guerre moderne.
Pour Manning, découvrir cette vidéo c’est un électrochoc. Elle réalise que l’armée américaine, SON armée, cache systématiquement ce genre d’incidents. Officiellement, cette attaque du 12 juillet 2007 a été classée comme “engagement justifié contre des insurgés armés”. Reuters avait demandé accès aux images pendant 3 ans pour comprendre comment ses journalistes étaient morts. Refus catégorique du Pentagone sous prétexte de sécurité nationale. Bref, on cache la merde sous le tapis.
Manning commence à comprendre qu’elle a accès à des preuves de crimes de guerre que le gouvernement américain cache délibérément au public. Et elle commence à se dire que le public a le droit de savoir. Mais elle hésite encore. Balancer des documents classifiés, c’est de la trahison aux yeux de l’armée. Ça peut coûter des dizaines d’années de prison, voire la peine de mort sous l’Espionage Act de 1917.
Elle passe des semaines à réfléchir, à peser le pour et le contre. D’un côté, son serment militaire et de l’autre, sa conscience qui lui dit que ces crimes doivent être révélés. Et c’est là qu’elle entend parler de WikiLeaks.
WikiLeaks, en 2009-2010, c’est encore une organisation relativement confidentielle. Créée en 2006 par Julian Assange, un hacker australien aux cheveux blanc platine, Wikileaks est une plateforme sécurisée permettant aux lanceurs d’alerte de publier des documents compromettants sans risquer d’être identifiés.
Leur slogan ? “We open governments”.
Manning découvre Assange à travers ses recherches sur Internet depuis le SCIF de FOB Hammer. C’est un personnage fascinant et dérangeant, un génie de l’informatique, un militant radical de la transparence, avec un ego surdimensionné et un caractère “difficile”. Manning le décrit dans ses conversations comme “ce fou australien aux cheveux blancs qui ne peut pas rester dans le même pays très longtemps”. Pas faux !
Elle commence à suivre les publications de WikiLeaks. L’organisation a déjà publié des documents sensibles : les emails du Climategate, des documents de l’Église de Scientologie, le manuel de Guantánamo, des rapports militaires sur l’Afghanistan…etc. Mais rien de l’ampleur de ce que Manning a entre les mains. Elle a accès à la mère de tous les leaks !
Et en janvier 2010, elle prend sa décision. Elle va contacter WikiLeaks et leur transmettre les documents les plus compromettants auxquels elle a accès. Pas tous d’un coup, elle teste d’abord avec quelques câbles diplomatiques moins sensibles pour voir si le système fonctionne et le contact passe par des canaux chiffrés que WikiLeaks a mis en place pour protéger ses sources.
Manning utilise Tor, le système de soumission anonyme de WikiLeaks, puis établit un contact direct via chat chiffré. Elle commence à transmettre des documents en petites quantités et WikiLeaks confirme la réception sans poser de questions sur l’identité de la source.
La première grosse transmission, c’est la vidéo “Collateral Murder”. Manning la récupère depuis les serveurs militaires du Combined Information Data Network Exchange (CIDNE), la copie sur un CD-RW (réinscriptible) qu’elle étiquette “Lady Gaga” pour passer inaperçue. C’est brillant car qui va suspecter un soldat qui écoute Lady Gaga ??? Elle transmet le fichier à WikiLeaks via leur système sécurisé et Assange et son équipe comprennent alors immédiatement qu’ils ont entre les mains un document exceptionnel.
Ils passent des semaines à le vérifier, à identifier les personnes tuées, à contextualiser l’attaque, à préparer sa publication puis le 5 avril 2010, WikiLeaks organise une conférence de presse au National Press Club de Washington et diffuse la vidéo sur Internet sous le titre provocateur “Collateral Murder”.
L’impact est énorme. Les médias du monde entier reprennent l’histoire. Pour la première fois, le public américain et international voit de ses yeux la réalité brute de la guerre en Irak. Pas la version édulcorée du Pentagone avec des frappes chirurgicales, mais la vraie ! Celle où des pilotes d’hélicoptère rigolent en tuant des journalistes qu’ils prennent pour des terroristes.
Depuis sa base en Irak, Manning suit l’explosion médiatique sur son MacBook. Elle réalise qu’elle vient de franchir un point de non-retour et elle décide d’aller jusqu’au bout. Go big or go home !
Après le succès de “Collateral Murder”, Manning n’hésite plus. Elle a accès à une mine de documents compromettants et elle décide de tout balancer. Méthodiquement, discrètement, elle commence à télécharger et copier des centaines de milliers de fichiers classifiés. C’est l’opération de whistleblowing la plus massive de l’histoire.
Elle continue de copier les documents sur des CD-RW qu’elle étiquette avec des noms d’albums de musique pop pour pas éveiller les soupçons. Donc après “Lady Gaga” c’est au tour de “Eminem”, “Enya”…etc. Elle fait semblant d’écouter de la musique en chantonnant pendant qu’elle grave des secrets d’État et planque les CD dans sa chambre sur la base et les transmet petit à petit à WikiLeaks via des canaux chiffrés.
Au total, elle va transmettre environ 750 000 documents classifiés. C’est énorme !! Comme je vous le disais en intro, c’est la plus grosse fuite de l’histoire militaire américaine, et de loin. Ça représente :
- 91 731 rapports militaires sur la guerre d’Afghanistan (Afghan War Diary) couvrant 2004-2009
- 391 832 rapports militaires sur la guerre d’Irak (Iraq War Logs) couvrant 2004-2009
- 779 évaluations de prisonniers de Guantánamo (Gitmo Files)
- 251 287 câbles diplomatiques américains (Cablegate) de 274 ambassades
- Plus des vidéos additionnelles dont l’attaque de Granai en Afghanistan (147 civils tués)
– Assange et la une de The Guardian suite aux révélations de ManningCes documents révèlent de nouvelles informations, comme le fait qu’il y ait 15 000 morts civiles non reportées en Irak, l’usage du waterboarding (c’est de la torture) dans les prisons secrètes de la CIA et même de l’espionnage diplomatique (y compris sur Ban Ki-moon à l’ONU), des accords secrets entre gouvernements, de la corruption massive en Afghanistan et même un câble où des diplomates américains décrivent Nicolas Sarkozy comme “susceptible et autoritaire” avec un “style de monarque”. Ou encore celui sur Silvio Berlusconi décrit comme “inefficace, vaniteux” et trop proche de Poutine. Super l’ambiance dans les chancelleries quand ça sort ! Les diplomates américains espionnaient et rédigeaient un jugement sur tous leurs alliés.
WikiLeaks publie ces documents par vagues entre juillet 2010 et septembre 2011, en partenariat avec des médias internationaux : The Guardian, The New York Times, Der Spiegel, Le Monde, El País. C’est du journalisme collaboratif de haute volée et les documents sont vérifiés, contextualisés, analysés par des équipes de journalistes professionnels. Certains noms sont même caviardés pour protéger des sources.
L’impact géopolitique est colossal ! Les révélations sur la corruption en Tunisie contribuent directement au déclenchement de la révolution tunisienne puis du Printemps arabe. Des gouvernements tombent, des alliances se fissurent, des ministres démissionnent et le monde découvre la réalité crue de la diplomatie américaine et de ses guerres. C’est un séisme !
Mais Manning, elle sait qu’elle joue avec le feu. Plus elle transmet de documents, plus elle risque d’être découverte. Elle commence à péter un câble psychologiquement à cause de la pression, de l’isolement sur la base, de ses questionnements sur son identité de genre, sans oublier la culpabilité… bref, tout ça s’accumule. Elle ne dort plus, ne mange plus, et devient paranoïaque.
C’est là qu’elle fait une erreur fatale ! Elle cherche quelqu’un à qui parler. Et elle va tomber sur la mauvaise personne.
– Adrian Lamo, le “homeless hacker” qui a dénoncé Manning au FBIMai 2010, Manning craque psychologiquement. Elle a besoin de parler à quelqu’un, de raconter ce qu’elle fait, de partager ce fardeau énorme qu’elle porte toute seule depuis des mois. Elle cherche quelqu’un qui pourrait la comprendre, quelqu’un du milieu hacker, quelqu’un qui partage ses idéaux de transparence.
Elle tombe alors sur Adrian Lamo via un article de Wired.
Lamo, c’est un hacker célèbre à l’époque. Surnommé le “homeless hacker” parce qu’il vivait sans domicile fixe et hackait depuis des cafés Kinko’s et des bibliothèques publiques. Il s’est fait connaître en pénétrant les systèmes de Microsoft, Yahoo, MCI WorldCom et surtout The New York Times (où il s’était ajouté à la liste des experts consultants). Un génie de l’informatique, mais un personnage instable, borderline, avec des problèmes psy documentés (diagnostiqué Asperger).
Manning le contacte le 21 mai 2010 via AOL Instant Messenger sous le pseudo “bradass87”. Elle commence par des généralités, teste le terrain, puis rapidement elle se confie. Elle lui raconte alors qu’elle a accès à des documents classifiés, qu’elle les transmet à WikiLeaks, qu’elle est derrière la vidéo “Collateral Murder”.
Les conversations entre Manning et Lamo sont hallucinantes à relire aujourd’hui. Manning déverse tout : ses doutes, ses motivations, ses peurs, ses questionnements sur son identité de genre. Voici quelques extraits de ses discussions en ligne :
hypothetical question: if you had free reign over classified networks for long periods of time… say, 8-9 months… and you saw incredible things, awful things… things that belonged in the public domain, and not on some server stored in a dark room in Washington DC… what would you do?
i cant believe what im confessing to you… ive been so isolated so long…
im an army intelligence analyst, deployed to eastern baghdad, pending discharge for adjustment disorder
i dont know… im just, weird i guess… i cant separate myself from others
Elle lui parle aussi de ses problèmes d’identité : “im a wreck… im a total fucking wreck right now… questioning my gender identity… which is causing me to lose my job… and putting me in an awkward limbo”
Lamo joue le confident compréhensif, il encourage Manning à parler, lui pose des questions précises sur ce qu’elle a transmis à WikiLeaks et Manning, en détresse psychologique totale, lui fait confiance. Elle lui donne des détails précis sur les documents qu’elle a copiés, sur ses méthodes, sur ses contacts avec WikiLeaks. Elle lui envoie même une photo d’elle.
Mais Lamo, ce sale traître, prend des notes. Il enregistre toutes leurs conversations. Et dès le 22 mai 2010, moins de 24h après le premier contact, il appelle Timothy Webster, un ami qui travaille pour le Project Vigilant (un groupe obscur lié aux services de renseignement). Le 25 mai, il contacte le FBI et l’Army Criminal Investigation Command.
Pourquoi fait-il ça ?
Lamo dira plus tard qu’il l’a fait parce que les fuites de Manning pouvaient “mettre des vies en danger” et qu’il avait “un devoir patriotique”. Mais beaucoup soupçonnent que Lamo était déjà un informateur du FBI depuis son arrestation en 2003, et qu’il bossait avec eux en échange de l’immunité. D’autres pensent qu’il cherchait juste l’attention médiatique.
Bref, le 27 mai 2010, les agents du Criminal Investigation Command débarquent à FOB Hammer et arrêtent Manning dans la salle de renseignement. Elle est en train de faire des recherches de routine quand deux agents entrent et lui disent : “Vous devez venir avec nous.” Sa vie vient de basculer en enfer.
Quand j’y pense, cette trahison me fout la rage car Manning était en détresse, et cherchait juste quelqu’un qui puisse la comprendre. Lamo a abusé de sa confiance de la façon la plus cynique possible. Il a détruit la vie d’une gamine de 22 ans qui essayait juste de faire le bon choix dans une situation impossible. Bref, Lamo est un Judas des temps modernes.
Il mourra le 14 mars 2018 dans des circonstances mystérieuses à Wichita, Kansas, à seulement 37 ans. Cause de décès officielle : “indéterminée”. Moué… Le rapport du coroner mentionne des traces de kratom, amphétamines et benzodiazépines. Justice karmique, peut-être… en tout cas, personne ne l’a pleuré dans la communauté hacker.
L’arrestation de Manning, c’est le début d’un cauchemar qui va durer 7 ans. D’abord, elle est placée dans une cage grillagée à FOB Hammer pendant qu’ils décident quoi faire d’elle. Puis elle est transférée au Camp Arifjan au Koweït où elle passe 2 mois (jusqu’au 29 juillet 2010) dans des conditions dégradantes. Une tente surchauffée dans le désert, surveillée 24h/24 et interdiction de parler aux autres détenus, puis direction la base de Marine Corps Brig, Quantico en Virginie.
–Photo de la prison sur la base de Marine Corps Brig, Quantico en VirginieEt là, c’est encore pire ! À Quantico, Manning est placée en “prevention of injury watch” (POI), un euphémisme pour dire qu’elle est torturée psychologiquement. Ses conditions de détention sont cauchemardesques :
- 23 heures par jour dans une cellule de 1,8 × 2,4 m, sans fenêtre
- Lumière allumée en permanence
- Interdiction de faire de l’exercice dans sa cellule
- Interdiction de s’allonger ou de s’appuyer contre le mur entre 5h et 20h
- Obligation de dormir nue après qu’elle ait fait une “blague” sarcastique sur le suicide
- Obligation de se tenir debout nue devant sa cellule chaque matin pour l’inspection
- Réveil forcé toutes les 5 minutes si elle tourne le visage vers le mur en dormant
- Lunettes confisquées, elle voit donc flou en permanence
C’est de la torture, pas besoin de tourner autour du pot ! Juan E. Méndez, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, dénoncera officiellement ces conditions de détention comme “cruelles, inhumaines et dégradantes”. Plus de 250 éminents juristes américains signeront une lettre dénonçant le traitement de Manning. Même P.J. Crowley, porte-parole du Département d’État, qualifiera publiquement ce traitement de “ridicule, contre-productif et stupide” (il sera forcé de démissionner 3 jours après…).
Manning tient psychologiquement grâce à sa détermination et son intelligence. Elle utilise le temps en cellule pour méditer, faire des exercices mentaux, réciter des poèmes qu’elle a mémorisés. Elle commence aussi à mûrir sa réflexion sur son identité de genre. L’isolement forcé devient paradoxalement un temps de confrontation avec elle-même où elle réalise qu’elle ne peut plus continuer à vivre dans le déni.
En avril 2011, après 9 mois de torture à Quantico et face aux protestations internationales, elle est transférée au United States Disciplinary Barracks à Fort Leavenworth au Kansas. Les conditions sont “meilleures” (c’est relatif) : elle peut enfin communiquer avec des avocats, recevoir du courrier, avoir des livres, préparer sa défense. Elle est dans le quartier général avec d’autres détenus de longue durée et son procès débute le 3 juin 2013 (après 3 ans de détention préventive !).
C’est un procès politique autant que judiciaire. L’administration Obama veut faire un exemple pour dissuader d’autres fuites après Snowden. Manning est accusée de 22 chefs d’accusation, dont “aide à l’ennemi” ce qui est passible de la peine de mort.
Ses avocats, dirigés par David Coombs, plaident la clémence en mettant en avant ses motivations altruistes, ses problèmes psychologiques, son jeune âge, les conditions de détention inhumaines et ils révèlent aussi ses questionnements sur son identité de genre pour expliquer son état mental fragile au moment des fuites. Manning elle-même fait une déclaration où elle s’excuse pour le tort causé mais maintient qu’elle a agi par conscience.
Le 30 juillet 2013, le colonel Denise Lind rend son verdict : coupable sur 20 chefs d’accusation, mais acquittée du plus grave, “aide à l’ennemi”. Le 21 août 2013, la sentence tombe : 35 ans de prison militaire, réduction de grade à Private E-1, perte de salaire et décharge déshonorante. Elle évite la prison à vie et la peine de mort, mais 35 ans pour une gamine de 25 ans, c’est l’équivalent d’une condamnation à mort sociale.
Et c’est là que Manning fait le geste le plus courageux de sa vie.
Le 22 août 2013, le lendemain de sa condamnation, elle fait une déclaration publique via son avocate qui va choquer l’Amérique conservatrice et inspirer la communauté trans du monde entier :
Sujet : La prochaine étape de ma vie
Je veux remercier tout le monde pour le soutien formidable et les messages que j’ai reçus au cours de ces dernières années. Je veux que tout le monde connaisse la vraie moi. Je suis Chelsea Manning. Je suis une femme. Étant donné la façon dont je me sens, et dont je me suis sentie depuis mon enfance, je veux commencer un traitement hormonal dès que possible. J’espère que vous me soutiendrez dans cette transition.
Je veux aussi vous remercier de respecter ma vie privée et de m’appeler par mon nouveau nom, Chelsea, et de me référer avec des pronoms féminins (excepté dans les références officielles au nom Bradley Manning).
C’est un coming out public, en prison militaire, dans l’Amérique de 2013. Il est important d’en comprendre le contexte : le mariage gay vient à peine d’être légalisé, les droits trans sont quasi inexistants, l’armée américaine interdit encore officiellement aux personnes trans de servir (Don’t Ask Don’t Tell vient juste d’être abrogé en 2011), et les traitements hormonaux en prison sont considérés comme impensables.
Manning vient de s’infliger une double peine : 35 ans de prison dans un contexte où elle va subir en plus, discrimination, harcèlement et violence à cause de son identité de genre. Les gardiens continuent de l’appeler “Bradley” ou “lui”, de la fouiller avec des gardiens masculins, de la traiter comme un homme, mais elle tient bon.
Elle engage un combat juridique avec l’ACLU pour obtenir un traitement hormonal, le droit de porter des vêtements féminins, d’être appelée par son prénom choisi. Combat après combat, procédure après procédure, elle gratte des victoires symboliques mais essentielles et en février 2015, après un an et demi de bataille juridique et une grève de la faim, l’armée cède enfin. Chelsea devient la première personne trans à recevoir un traitement hormonal dans une prison militaire américaine. Une victoire historique qui ouvre la voie à d’autres. Elle obtient aussi le droit de porter du maquillage et des sous-vêtements féminins, mais pas de laisser pousser ses cheveux au-delà du standard masculin.
Mais la pression psychologique reste énorme et le 5 juillet 2016, elle fait une tentative de suicide dans sa cellule. L’armée la punit pour ça (oui, vous avez bien lu) avec 14 jours d’isolement puis le 4 octobre 2016, nouvelle tentative. Le système carcéral militaire américain n’est pas fait pour accueillir des femmes trans. Harcèlement, humiliations, violences psychologiques sont son quotidiens.
Et c’est là qu’intervient Barack Super Obama. Et ça va tout changer.
– Le président Barack Obama qui a commué la peine de Manning en janvier 2017*Le 17 janvier 2017, soit trois jours avant la fin de sa présidence, dans sa liste de grâces présidentielles de fin de mandat, Barack Obama fait une annonce surprise : il commue la peine de Chelsea Manning.
Au lieu de 35 ans, elle sera libérée le 17 mai 2017 après avoir purgé 7 ans depuis son arrestation en 2010.
La justification d’Obama est claire dans son communiqué : la peine de Manning est “disproportionnée par rapport à ce que d’autres lanceurs d’alerte ont reçu”. Il note donc qu’elle a déjà purgé une peine plus longue que quiconque pour des fuites similaires et reconnaît implicitement que Manning a été sanctionnée aussi durement à cause de l’embarras politique causé par ses révélations et pour faire un exemple.
La décision fait polémique. Les républicains hurlent à la trahison. Paul Ryan la qualifie “d’outrageous”. John McCain dit que c’est une “grave erreur”. Trump, pas encore président mais déjà sur Twitter, écrit que Manning est une “traîtresse ingrate” qui “n’aurait jamais dû être libérée” et qualifie Obama de “WEAK leader”. La droite américaine est en furie.
Mais Obama tient bon car il sait que Manning était en train de mourir psychologiquement et physiquement en prison. Les tentatives de suicide répétées, les conditions de détention, l’impossibilité de vivre son identité de genre… L’ACLU confirme dans un communiqué que cette commutation “a très probablement sauvé sa vie”. Chase Strangio, l’avocat de l’ACLU qui représentait Manning, déclare : “C’est le début d’une nouvelle vie pour Chelsea.”
Le 17 mai 2017, après 2 557 jours d’incarcération (dont 9 mois de torture à Quantico), Chelsea Manning sort de prison à 2h du matin pour éviter les médias. Première photo postée sur Instagram quelques heures plus tard où elle en robe noire, avec le simple message “Okay, so here I am everyone!! =P #HelloWorld”. Une renaissance. La photo devient virale, symbole de liberté retrouvée.
Et la liberté, pour Manning, c’est d’abord la découverte du monde de 2017. Twitter, Instagram, smartphones, Uber, Tinder… Le monde a radicalement changé pendant ses 7 ans de prison. Elle doit tout réapprendre, comme une voyageuse temporelle. Elle raconte dans ses interviews cette sensation étrange de découvrir un monde hyperconnecté qu’elle avait quitté en 2010.
Elle s’installe d’abord dans le Maryland puis à Brooklyn, New York. Elle commence à donner des conférences sur les libertés numériques, la surveillance de masse et la transparence gouvernementale. Ses interventions sont brillantes, elle a une analyse fine des enjeux actuels de surveillance et de protection des données personnelles, enrichie par son expérience unique. Elle devient une voix importante du mouvement pour les droits numériques.
En janvier 2018, elle se présente aux primaires démocrates pour le Sénat dans le Maryland contre le sortant Ben Cardin. Sa campagne avec le slogan “We Got This” est audacieuse mais compliquée. Elle fait campagne sur la transparence gouvernementale, les droits trans, la réforme de la justice criminelle et elle obtient 5,7% des voix aux primaires du 26 juin 2018. Pas suffisant pour gagner, mais remarquable pour une ex-détenue trans qui sort de 7 ans de prison.
Mais en mars 2019, nouveau coup dur, elle est à nouveau incarcérée pour outrage au tribunal. Cette fois, c’est pour refus de témoigner devant un grand jury fédéral du district Est de Virginie qui enquête sur WikiLeaks et Julian Assange. Manning refuse catégoriquement de coopérer, déclarant que les grands jurys sont “un outil d’abus” et qu’elle “préfère mourir que de changer ses principes”.
Elle passe 62 jours au Alexandria Detention Center, est libérée une semaine, puis réincarcérée le 16 mai 2019. Cette fois, le juge Claude M. Hilton lui impose aussi des amendes : 500$ par jour pendant 30 jours, puis 1000$ par jour. Au total, elle accumule 256 000$ d’amendes. Pour quelqu’un qui sort de prison sans économies, c’est la ruine assurée…
Puis le 11 mars 2020, désespérée, elle fait à nouveau une tentative de suicide en prison. Le lendemain, le juge ordonne sa libération, le grand jury étant dissous. Elle sort avec 256 000$ de dettes mais ses principes intacts. Elle a encore une fois refusé de devenir une balance, même contre Assange qui l’avait pourtant manipulée et exploitée. Parce que Manning, elle a des principes. C’est rare de nos jours.
Sa libération en mars 2020 coïncide avec le début de la pandémie COVID-19. Le monde s’arrête, elle recommence sa vie pour la énième fois, mais cette fois avec une dette écrasante. Des supporters lancent une campagne GoFundMe qui récolte plus de 267 000$ pour payer ses amendes. La solidarité de la communauté la sauve encore une fois.
Aujourd’hui, en 2025, Chelsea Manning a 37 ans. Après des années difficiles, elle a trouvé sa place comme consultante en sécurité informatique et défenseuse des droits numériques. Elle a travaillé pour Nym Technologies, une entreprise suisse qui développe des outils de protection de la vie privée basés sur la mixnet technology. En mars 2025, ils ont lancé NymVPN, un VPN décentralisé.
De plus, son expertise en matière de surveillance gouvernementale et de failles de sécurité, acquise à ses dépens, est reconnue internationalement. Elle est régulièrement invitée dans des conférences tech (DEF CON, CCC), des universités (Harvard, MIT), des événements sur la cybersécurité. Son analyse des enjeux actuels de surveillance de masse, de protection des données personnelles, d’autoritarisme numérique, est d’une précision chirurgicale. Normal, elle l’a vécu douloureusement dans sa chair.
Enfin, en octobre 2022, elle publie ses mémoires “README.txt” chez Fayar. Un bouquin fascinant de 272 pages où elle raconte tout. Un témoignage brut, sans concession, qui devient rapidement un bestseller.
En tout cas, celle qui a vécu l’enfer de la surveillance gouvernementale, voit mieux que personne les dérives autoritaires qui se mettent en place en ce moment même et elle tire régulièrement la sonnette d’alarme sur Twitter sur les dangers de la surveillance de masse, de l’IA utilisée à des fins répressives, et de la criminalisation du chiffrement.
Elle prévient même que l’administration Trump sera “ouvertement fasciste” et qu’on doit s’attendre au pire. Elle avait vu juste !
Bref, 15 ans après les fuites WikiLeaks, quel est l’héritage de Chelsea Manning ? C’est simple, elle a révolutionné à jamais la façon dont les secrets d’État peuvent exploser à la gueule du pouvoir. Elle a montré qu’une seule personne avec une conscience peut changer le cours de l’histoire.
Avant, les lanceurs d’alerte passaient par les médias traditionnels, avec tous les filtres et compromis que ça impliquait. Et aujourd’hui, après Manning et Assange, c’est de la fuite de documents massive, directe, numérique, documentée, et surtout impossible à étouffer !!
Bref, elle a inspiré toute une génération de lanceurs d’alerte. Par exemple, Edward Snowden, qui a révélé les programmes de surveillance de la NSA en 2013, la cite directement comme un inspiration. Reality Winner, qui a révélé l’ingérence russe dans les élections de 2016 aussi… Puis les Vault 7 leaks de la CIA en 2017, les Facebook Papers de 2021….etc Tous suivent le modèle Manning où des insiders utilisent leur accès pour révéler des vérités dérangeantes.
La différence, c’est que les suivants ont appris de ses erreurs. Snowden a pris des précautions techniques que Manning n’avait pas prises, il a évité de faire confiance à des intermédiaires douteux comme Lamo, il s’est barré avant d’être arrêté. Mais le principe reste le même.
Voilà donc l’histoire de Chelsea Manning. Une gamine trans de l’Oklahoma qui a fait trembler l’empire américain avec Lady Gaga en fond sonore et qui a tout perdu plusieurs fois pour que la vérité triomphe !
– Source :
https://korben.info/chelsea-manning-hackeuse-transgenre-wikileaks.html
-
merci pour l’article !
si seulement il existait davantage de gens avec un tel sens du devoir et une telle intégrité !
-
mode troll : ON
J’ai commencé à lire, je repasserai lire la suite demain et après-demain.
mode troll : OFF