Abandon de la fin des voitures thermique en 2035
-
Je suis le premier à vitupérer contre les décisions de l’Union Européenne mais pour une fois il faut noter que le bon sens l’a emporté.
La Commission européenne a décidé de revoir son objectif zéro émission pour 2035 en autorisant certaines exceptions: les voitures hybrides rechargeables et électriques à prolongateur d’autonomie.
C’était une décision particulièrement attendue: l’Europe a donc bien enclenché la marche arrière sur son objectif de ventes de voitures neuves zéro émission en 2035. Plutôt que de réduire les émissions de CO2 de 100% par rapport à la période 2021-2024, le projet initial qui avait été validé en juin 2022 par un vote définitif du Parlement, ce niveau a été abaissé à 90%.En complément, la Commission européenne a annoncé qu’elle allait accorder 1,5 milliard d’euros de prêts à taux zéro aux entreprises qui produisent en Europe des batteries pour véhicules électriques, dans le cadre d’un vaste plan de soutien au secteur automobile.
Parmi les autres mesures de ce plan, la Commission va encourager le “verdissement” des flottes de véhicules des entreprises via des objectifs chiffrés par pays, soutenir le développement de petits véhicules électriques européens, et instaurer la “préférence européenne”, c’est-à-dire des obligations de contenus “made in Europe” dans les chaînes de production.
Une trajectoire toujours très ambitieuse
Un entre-deux qui devrait soulager les constructeurs automobiles et les Etats-membres les plus réticents face à cet objectif, en particulier l’Allemagne. Toutefois, cette correction ne change finalement pas tant la donne: la réduction de 90% du niveau moyen d’émissions de CO2 sur les ventes de voitures neuves reste très ambitieuse et devrait toujours inciter l’industrie automobile à opérer une transmission massive vers le 100% électrique. Dans l’Union européenne, de janvier à octobre, les voitures électriques représentaient 16,4% des ventes de voitures neuves.Surtout que les options alternatives seront finalement assez limitées. Seules deux motorisations semblent plus aptes à rester dans les clous de ces nouvelles exigences: l’hybride rechargeable et l’électrique à prolongateur d’autonomie. Des technologies différentes mais qui ont comme point commun de conserver un moteur thermique avec un réservoir de carburant. Or, pour l’hybride rechargeable, les ventes sont encore moins importantes: 9,1% des ventes en Europe depuis le début de l’année. Les électriques à prolongateur d’autonomie ne sont pas encore très répandus, avec comme rare représentant de la catégorie le SUV C10 en version “REEV” (pour “Range Extender Electric Vehicle”) lancée par la marque chinoise Leapmotor cette année.
“Cela permettra aux véhicules hybrides rechargeables (PHEV), aux prolongateurs d’autonomie, aux hybrides légers et aux véhicules à moteur à combustion interne de continuer à jouer un rôle au-delà de 2035, en plus des véhicules entièrement électriques (EV) et des véhicules à hydrogène”, note le communiqué de la Commission européenne.
Des ventes non-électriques à compenser
Les 10% de ventes non-électriques devront en outre être compensées par le recours à de l’acier bas carbone d’origine européenne ou à des carburants de synthèses (e-fuels) ou des biocarburants.Concernant la décarbonation des flottes professionnelles, qui représentent une très grande partie du marché des voitures neuves en Europe, des objectifs seront fixés au niveau des différents Etats membres, afin de soutenir la demande en véhicules 100% électriques ou à faibles émissions de CO2. Ils s’appliqueront aux entreprises comptant plus de 250 salariés ou 50 millions de chiffre d’affaires, y compris les loueurs de véhicules, qui constituent un marché majeur.
L’UE va également revoir les obligations d’électrification qui avaient fixées aux constructeurs de camionnettes et camions. Ces derniers avaient prévenu qu’ils risquaient de subir de très lourdes amendes à partir de 2030, en raison d’une demande insuffisante pour les modèles électriques.
Réponse “pragmatique” aux doutes sur 2035
L’UE ne renonce pas à ses ambitions climatiques en assouplissant l’objectif du tout-électrique en 2035, mais adopte une approche “pragmatique” face aux difficultés rencontrées par l’industrie automobile, a défendu le commissaire européen Stéphane Séjourné après ces annonce.“L’objectif reste le même, les flexibilités sont en réalité des réalités pragmatiques au vu de l’adhésion des consommateurs, de la difficulté des constructeurs à proposer sur le marché du 100% électrique pour 2035”, a-t-il déclaré dans un entretien à l’AFP.
En amont de cette décision, le ministre délégué à l’Industrie, Sébastien Martin, avait évoqué une '“adaptation pragmatique” de la Commission européenne:“On ne peut pas dire qu’en passant de 100% à 90%, c’est la fin de l’électrique. Au contraire, je pense que c’est une adaptation, peut-être pragmatique, à la possibilité d’avoir un marché électrique extrêmement important”, a-t-il déclaré sur France Inter.
“Je sais aussi que dans les déclarations qui vont être faites tout à l’heure, il y aura le principe de la préférence européenne du contenu local”, une demande portée par la France, avait-il ajouté.Il a assuré que l’Allemagne n’était pas la grande triomphatrice des négociations ardues de ces dernières semaines. “Si l’Allemagne avait eu gain de cause, on ne serait pas passé (seulement) de 100 à 90%, parce que j’ai entendu certains discours qui voulaient aller beaucoup plus loin que cela”.
L’interdiction de voitures neuves thermiques ou hybrides prévue pour 2035 était une mesure emblématique du grand “Pacte vert européen”, adoptée en 2023 au nom de l’engagement européen d’atteindre la neutralité carbone en 2050, après un vote spécifique sur cette mesure en juin 2022.
Mais l’UE, face à la concurrence de la Chine et aux tensions commerciales avec les Etats-Unis, a déjà repoussé ou élagué ces derniers mois plusieurs mesures environnementales, dans un virage pro-business assumé.
Cependant il faudra surveiller les normes anti pollution imposées pour qu’elles ne deviennent pas techniquement impossibles à réaliser forçant le passage au tout électrique et contournant ainsi ladite décision.